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L’évènement Une saison sous haute tension

N'ayant plus les moyens d'entretenir, de moderniser et d'investir dans le réseau de silos, les fédérations de coopératives et négoces planchent sur le projet Infrastructures 2030.

Pris dans l’étau d’une saison collecte particulièrement difficile, les organismes stockeurs chassent plus que jamais les économies. Les pouvoirs publics sont interpellés sur la situation.

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« Il s’agit de l’exercice le plus difficile de l’histoire des coopératives », insistait Antoine Hacard, président de La Coopération agricole Métiers du grain, fin septembre. La fédération des coopératives estime en effet à 300 M€ la perte financière liée à la seule baisse de la collecte d’été et au surcroît de travail du grain, alors que « sans cette mauvaise moisson, on était déjà dans l’incapacité d’équilibrer nos comptes de résultat ».

Quant à la récolte d’automne, elle va s’étaler dans le temps en raison des intempéries. « S’ajoutent alors des charges supplémentaires en personnel, avec des périodes de travail les samedis et dimanches, puisque la moindre fenêtre météo est exploitée, et aussi un risque accru d’incendie au niveau du séchage », détaille Simon Aimar, directeur du Naca (Négoce Centre-Atlantique). « Le personnel des séchoirs doit avoir d’autant plus de savoir-faire dans ce type de situation, d’où l’intérêt des formations. »

Et « même s’il y a eu une compensation des cultures d’hiver par celles de printemps, il devrait manquer, à la fin, 15 à 18 % de la collecte », affirme Gaultier Le Molgat, DG d’Argus Media France.

Chômage partiel

Cette conjoncture difficile s’inscrit dans un contexte où « les marges des entreprises ont été entamées de 50 % par la hausse des charges de ces dernières années », déclare Antoine Hacard. Aussi, l’heure est à l’optimisation des charges et des flux et les entreprises doivent « serrer les boulons à tous les niveaux », comme l’évoque Sébastien Ciezki, DG d’Île de France Sud (lire ci-contre).

Chacun agit alors en fonction de son contexte. Du côté de Sevépi, « nous vidons plus rapidement certains silos afin de réaffecter le personnel sur d’autres sites. Mais nous ne prenons pas de mesure de chômage partiel car nos silos ont besoin de fonctionner pour servir nos clients meuniers deux à trois fois par semaine », explique son directeur général, Aurélien Caurier.

Pour sa part, la coopérative Valfrance, avec un déficit de collecte de 160 000 t (20 à 25 % de sa collecte précédente), vient de valider un train de mesures internes. « Nous allons fermer du 13 décembre au 13 janvier. C’est inédit dans l’histoire de la coopérative », annonce son DG, Laurent Vittoz. Un mois émaillé de chômage partiel (une semaine pour les salariés des silos), de télétravail, d’heures récupérées en anticipation de la prochaine récolte et de congés annuels et RTT. « Et jusqu’à fin mai, tous les silos seront fermés le vendredi avec aussi une mise en chômage partiel du personnel. Dans le même temps, les personnes du siège seront en RTT pour diminuer les charges du site », ajoute Laurent Vittoz, tout en précisant que « la coopérative compense à 100 % le salaire pour le chômage partiel ». Le montant des économies qui seront réalisées n’a pas encore été estimé, mais d’ores et déjà, elles ne concerneront que « le fonctionnement des sites. Il n’est pas question de réduire le niveau de service aux agriculteurs. » Tout comme les dépenses d’entretien prévues sont maintenues, « sinon on le paie plus tard ».

Quant aux investissements, ils peuvent être reportés pour certaines entreprises ou étalés pour d’autres. Un projet pourrait amener un ballon d’oxygène pour financer les besoins en maintenance, rénovation ou construction de silos. En effet, une réflexion collective est menée par LCA Métiers du grain avec la FNA et d’autres parties prenantes pour lancer le projet Infrastructures 2030. Une étude en cours sur les besoins servira à solliciter une enveloppe budgétaire.

Aux difficultés économiques propres aux entreprises, s’ajoute l’effet ricochet de la dégradation de la trésorerie des agriculteurs qui amène à des mesures d’accompagnement, notamment de la part de coopératives (lire encadré p. 7). « Le plus difficile est pour les agriculteurs, surtout les scopeurs », souligne Laurent Vittoz. Côté négoce, ce ne sont pas les mêmes marges de manœuvre. Simon Aimar invite les négociants à étudier de près « un outil comme l’assurance-crédit pour limiter les risques d’impayés ».

Possibles rapprochements

La question se pose aussi sur l’année 2025 avec des semis à nouveau perturbés en raison de la météo. Pour le DG de Valfrance, « c’est un exercice d’équilibriste entre les économies à réaliser par les entreprises et les coups de pouce aux agriculteurs. Mais nous tenons à jouer collectif : c’est l’enjeu de demain. » Il souhaite saisir cette situation compliquée pour « revoir nos modes de fonctionnement ». Tout comme le temps de chômage partiel sera consacré à de la formation.

Cependant, pour Antoine Hacard, « il n’est pas impossible qu’il y ait des conséquences de rapprochement de coopératives en difficulté. Il y a déjà quelques coopératives pour lesquelles la situation se durcit ». Une demande a alors été faite auprès du gouvernement : étendre aux oléagineux le dispositif de l’aval pour bénéficier d’une garantie de l’État à hauteur de 70 % pour les stocks et ainsi accéder à des taux d’intérêt compétitifs, afin de soulager la charge financière et soutenir plus facilement les agriculteurs dans le besoin.

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